L’UX, LA raison du succès de TikTok ?

TikTok, c’est un peu le Snapchat de la fin de la décade précédente : l’application a fait des émules en peu de mois, principalement auprès des jeunes internautes. Si le format (la vidéo) et le côté exclusif (exit les parents qui ne saisissent pas vraiment le pourquoi du comment) y sont sans doute pour quelque chose, l’interface et les fonctionnalités innovantes ont clairement fait la différence. Car, comme pour Snapchat, TikTok a su se démarquer pour bousculer les usages. Et il y a fort à parier que les mastodontes du social media envisagent de pomper copieusement quelques bonnes idées, comme ils l’ont déjà fait pour Snapchat.

Mais TikTok, c’est quoi ? Une application-réseau-social de visionnage et de partage de clips musicaux, et plus généralement de vidéos. Il s’agit bien souvent de saynètes issues de films ou de séries, jouées par les utilisateurs de TikTok, en mode play-back. Des filtres et des effets sonores peuvent être ajoutés, et les vidéo retouchées (effets spéciaux, vitesse, etc.). Bref, des fonctionnalités qui laissent toute la place à la créativité.

C’est la grande force de TikTok — ce qui n’est pas le cas de Snapchat, par exemple. Après avoir téléchargé TikTok, vous pourrez visionner toutes les vidéos des Internets mondiaux si le cœur vous en dit, sans vous inscrire. Alors que les principaux réseaux ne vous laisseront pas utiliser bien longtemps leur interface « incognito ».  Ici, vous n’aurez qu’un geste à connaître : faire défiler vers le haut avec votre pouce (ou le swipe up, en VO).

Autre choix astucieux côté UX : si vous souhaitez concevoir une vidéo avec vos doigts d’artiste, vous pourrez d’abord tester l’interface sans avoir à créer de compte. Ce qui ôte des points de friction avec le futur utilisateur (en l’occurrence vous), pas encore convaincu du potentiel de l’application. TikTok n’a donc pas peur de montrer ce qu’il a dans le ventre, tout en pensant à faire disparaître tous les potentiels freins à son adoption.

Un pari futé, car l’utilisateur passe ensuite dans le camp des conquis, voire des accrocs. Il est ainsi prêt à aller plus loin dans les fonctionnalités proposées par l’application — et donc à embrasser une posture d’apprentissage. Évidemment, à ce stade, l’utilisateur aura créé son compte, mais ce ne sera plus qu’une pure formalité.

On pourrait résumer les choix des concepteurs de TikTok par ces quelques mots. Car une fois le visiteur de passage converti en utilisateur, l’application n’a de cesse de le solliciter. Tout d’abord, dans le visionnage même des vidéos, en flux continu et quasi infini — on vous défie d’arriver au bout des 270 millions de clips publiés en France uniquement. Ensuite, par les notifications régulières et pléthoriques, les recommandations de contenus pour trouver des vidéos toujours plus pertinentes / drôles / inspirantes.

À cette sursollicitation, qu’on retrouve sur d’autres plateformes sociales, s’ajoutent des stratagèmes d’ordres cognitifs visant à la fois à challenger et à récompenser l’utilisateur (on vous propose d’ailleurs de lire notre dernier article sur les biais cognitifs).

Comment ? Via les ressorts bien connus de la gamification, et du besoin de reconnaissance par ses pairs — notamment par l’acquisition de likes et de followers. Là aussi, rien de bien nouveau, mais ces procédés apportent la touche finale pour l’utilisateur, qui ne lâchera pas l’application de si tôt.

Que retirer de tout ça ? D’une part que cette lecture est exclusivement pragmatique, sur les raisons du succès de TikTok — donc pas de parti pris sur les revers de la médaille. D’autre part, que le travail de recherche et de webdesign UX ne vise pas uniquement à prémâcher le parcours des futurs utilisateurs, qui ne seraient a priori pas enclins à faire l’effort d’apprendre. Notre mission consiste à trouver le juste équilibre entre lever les points de friction et doser les phases d’apprentissage.

Enfin, que les ressorts psychologiques et cognitifs sont essentiels dans la phase d’étude et de conception d’une interface. Probablement sans tomber dans les travers de certaines plateformes. Mais les envisager, c’est identifier les ingrédients pour attirer, séduire, convaincre. Le but ultime en somme !