Dans la tête d’une UX Researcher
Interview – C’est un métier encore relativement récent mais que les startups adorent – et nous aussi, à l’Agence. Et pour cause ! À mi-chemin entre le statisticien et le psychologue, l’UX Researcher identifie les problèmes des utilisateurs afin d’adapter les sites et les interfaces web à leurs besoins, usages et attentes.
Pour mener à bien sa mission, l’UX Researcher conduit des entretiens, des observations de terrain, exploite des données, détermine des personas, mène des recherches et des tests utilisateurs… Vous êtes perdu ? Justine Nicol, notre UX Researcher préférée, vous dit tout de son métier et de son importance dans une démarche centrée sur l’utilisateur.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques mots sur ton parcours Justine ?
J’ai passé un master 2 en psychologie du travail mention ergonomie à l’Université de Rennes. A la sortie de mes études, j’ai travaillé pendant trois ans au sein du Laboratoire d’Observation des Usages des TIC (LOUSTIC) sur des projets principalement axés sur les personnes en situation de handicap.
J’ai ensuite intégré, pendant une année, le ministère des armées dans une équipe UX avant de rejoindre LunaWeb, courant 2020.
Quel est ton rôle au sein de l’Agence ?
Pour résumer, il consiste à prendre en compte les besoins et attentes des utilisateurs afin d’adapter au mieux les interfaces web. Pour cela, j’utilise des méthodologies rigoureuses. Et comme c’est un métier relativement récent, j’ai aussi un rôle de pédagogue, expliquant comment et pourquoi je fais les choses.
> Pour aller plus loin, lire notre article : L’UX Research, un prérequis pour comprendre vos clients
Peux-tu détailler ces méthodologies ?
Parmi les fondamentaux de mon métier d’UX Researcher, je dispose de focus group, d’interviews, d’observations de terrain, de tests utilisateurs exploratoires ou encore de livrables comme l’expérience map ou les personas.
Il y a également tout un volet test utilisateurs : les tests d’utilisabilité, les tests comparatifs, l’a/b test, les tests à distance, etc. Sans oublier l’audit UX sur l’ergonomie de l’interface, l’audit qualité web, le web data analyse, l’étude des parcours UX, l’optimisation UX…
Je ne suis pas sûr que nos lecteurs comprennent encore bien ton travail… Peux-tu détailler certaines missions que tu as déjà réalisées ?
Bien sûr ! :) Par exemple, j’ai travaillé pour un éditeur de montage vidéo. En intégrant la recherche utilisateurs, il s’est avéré que l’outil de découpage n’était pas intuitif, voire pas utilisable du tout. En effet, le procédé de découpe de la vidéo était trop complexe : nous nous sommes rendus compte qu’il fallait 5 mn 27 en moyenne pour réaliser la tâche contre, normalement, une durée de 50 secondes selon le temps expert estimé.
J’ai alors préconisé plusieurs modifications, parfois d’apparence très simples, comme un bouton avec le symbole “ciseau” pour que l’utilisateur identifie rapidement comment couper la vidéo.
Pour une autre entreprise, j’ai testé des maquettes d’interface web. Les concepteurs avaient développé une option “Top favori” mais les utilisateurs ne savaient pas comment s’en servir. Après l’audit, un bouton a été ajouté pour les guider dans cette action.
Autre exemple : avec un des clients de l’Agence, nous avons réalisé des focus group pour connaître les parcours et les appréciations d’utilisateurs sur deux interfaces permettant de récupérer des données hospitalières. Très vite, il est apparu que la connexion avec un token portatif (un boîtier qui génère un nouveau code toutes les 5mn) était très contraignante pour certains utilisateurs régulièrement en déplacements. Ces focus group ont alors permis d’élaborer des expériences map : des parcours utilisateurs avec les pensées positives et négatives, les problématiques d’expérience utilisateur et les solutions que nous pouvons apporter.
Ce sont les utilisateurs qui te remontent leurs difficultés ?
Cela peut arriver oui, ou alors je le vois en mesurant le temps qu’ils mettent à accomplir une tâche en étudiant leurs comportements sur l’interface. Pour cela, j’utilise des outils de tracking qui analysent très précisément leur manière de l’utiliser.
Cela implique que tu connaisses bien le site et que tu te mettes dans la peau d’un utilisateur lambda ?
Je vais être tatillonne mais dans mon métier on ne dit pas “se mettre dans la peau de…” Ceci dit, oui, il faut que je connaisse l’interface et les tâches à accomplir. Ensuite, je fais ce qu’on appelle un temps-expert. C’est-à-dire que si, normalement, il suffit de 11 secondes pour réaliser une action mais que cela prend 1 minute à l’utilisateur, il y a un problème.
Je recommande alors des modifications, des quick win dans le jargon marketing, soit des modifications comme la suppression d’un champ inutile, un changement de couleur ou, comme je l’expliquais tout à l’heure, l’ajout de boutons, un call to action (CTA), devant simplifier l’usage des utilisateurs.
Quand on parle UX Research, l’un des mots qui revient le plus souvent – et tu l’as cité – est celui de persona. Tu peux nous expliquer ce que c’est ?
C’est un autre terme issu du marketing, soit un personnage imaginaire – mais doté de caractéristiques réelles issues d’un panel exhaustif – représentant un groupe ou un segment cible. En général, nous définissons 4 personas par projet, pour ne pas être noyé sous les données, dotés d’un prénom, de caractéristiques sociales, psychologiques, etc.
Chaque persona possède ainsi ses propres habitudes, ses attentes vis à vis de l’interface, ses devices préférés, ses peurs…etc. Ces données sont indispensables et servent à la conception des interfaces.
> Les personas UX, pilier de la conception centrée utilisateur
Pour réaliser ces personas, tu poses des questions types à ton panel d’utilisateurs ?
Disons que je peux poser des questions proches d’un projet à l’autre : quels sont leurs objectifs en utilisant une interface ? Quelles actions veulent-ils réaliser ? Quels sont les points négatifs / positifs de l’application ou du site ?
Ces questions permettent de faire ressortir des besoins qui ne sont pas assouvis concernant l’interface actuelle. Par exemple, nos cibles s’attendent parfois à du e-commerce ou à trouver des services qui n’existent pas encore. Autant d’éléments qui vont nourrir la réflexion lors de la conception du site.
Oui, mais encore…
Pour les personas, je peux utiliser la clusterisation qui permet, ensuite, de réaliser un dendogramme, c’est-à-dire une arborescence qui affiche les groupes formés par le regroupement des observations à chaque étape et leurs niveaux de similarité.
Les clients sont-ils parfois surpris par les personas qui ressortent de tes études ou, au contraire, ont-ils une bonne connaissance de leurs utilisateurs ?
Les deux situations reviennent à peu près à parts égales. En fait, le point commun de nos clients, c’est qu’ils ne savent pas toujours comment utiliser ces personas. Je leur explique alors que c’est une aide synthétique, un support pour aider dans la conception de l’interface dans une démarche d’expérience utilisateur. Je leur recommande des actions pour améliorer leur site mais la décision finale leur revient.
Quels sont tes outils de travail ?
Comme tout bon UX Researcher, je commence à poser mon protocole d’études sur Word. J’utilise également Excel pour le calcul des données récoltées, Limesurvey pour la création de questionnaires, Hotjar et Google Analytics pour analyser les comportements web des utilisateurs.
Plus pointu, il m’arrive d’utiliser Lookback pour enregistrer les captations vidéo dans le cadre de tests utilisateurs. Cet outil sert à analyser leurs actions sur les interfaces.
Quelles sont les qualités d’un bon UX Researcher ?
La neutralité est très importante. Il ne faut pas influencer l’utilisateur quand tu l’interroges. L’empathie, la rigueur pédagogique et la patience sont les autres prérequis à ce métier. En effet, il peut arriver que les utilisateurs prennent particulièrement leur temps pour la réalisation d’une tâche, il ne faut pas être pressé…
Quel site ou ouvrage conseillerais-tu pour mieux comprendre ton métier ?
Le bloc-notes de l’UX est une bonne introduction aux notions de l’UX. Et pour tous ceux qui veulent creuser le sujet, la référence absolue est l’ouvrage de Carine Lallemand et Guilllaume Cronier : Méthodes de design UX.
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