SLD #25 - Julien Dubedout, Designer de service web
SLD #25 - Julien Dubedout, Designer de service web
De la récolte d’informations utilisateur en centre d’appels à l’immersion sur le terrain avec les pompiers, Julien Dubedout revient sur son expérience dans le programme public designers d’intérêt général, au service du design de l’urgence !
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’Agence LunaWeb !
Pour ce premier épisode de l’année 2023, Damien et Benoit ont le plaisir de recevoir Julien Dubedout, designer de service web que vous avez déjà sûrement croisé à l’occasion de sa participation à des événements web comme avec Designer et l’urgence, conférence qu’il a donné à Paris Web en octobre 2022.
Julien revient sur son quotidien au sein du programme designers d’intérêt général et de ses projets visant à améliorer l’usage d’interface à destination des pompiers.
Bonne écoute à tous et à toutes et meilleurs vœux pour 2023 !
Les Designers de l’Agence LunaWeb.
La transcription
Damien : Bonjour à toutes et à tous et bienvenues dans le premier épisode de cette nouvelle année de Salut les Designers, le podcast de l’Agence LunaWeb ! Ici Damien et je suis accompagné aujourd’hui par Benoit, salut Benoit !
Benoit : Salut Damien !
Damien : Pour cette reprise, nous avons le plaisir de recevoir Julien Dubedout, designer ux de son état. Vous avez sûrement déjà croisé Julien à l’occasion de sa participation à une événement web comme « Designer et l’urgence », conférence qu’il a donné à Paris Web en octobre 2022. Bonjour Julien, Merci d’être avec nous aujourd’hui, comment ça va ?
Julien : Ça va bien, merci !
Benoit : Julien, avant de commencer, est-ce que tu voudrais bien te présenter rapidement s’il te plaît ?
Julien : Je suis designer, j’ai commencé dans le web design il y a 17 ans à peu près et j’ai travaillé dans différentes agences, puis en freelance.
Je suis spécialisé depuis trois ans sur des projets publics et relatifs à l’urgence en général.
Depuis trois ans, je suis spécialisé sur des projets publics et des projets relatifs à l’urgence en général.
Damien : Nous avions très envie de te recevoir aujourd’hui notamment pour évoquer ce sujet du design de l’urgence. Ces dernières années, tu es intervenu auprès de l’ANSC, l’agence du numérique de la sécurité civile, comme auprès des pompiers de Paris.
Est-ce que tu veux bien nous expliquer un peu ces missions et leurs spécificités ?
Julien : Oui, volontiers, alors pour l’ANSC, je travaille sur le projet Nexis qui est le futur système d’information des pompiers au niveau national et qui permet la prise d’appel d’urgence et de dispatcher les engins de secours, les secours en général, qui permet de gérer les feuilles de garde en caserne etc. Qui gère on va dire toute l activité pompier et ce sera au niveau national donc ça va être déployé peu à peu, département par département. Donc voilà pour l’agence du numérique de la sécurité civile.
Je travaille actuellement sur le projet Nexis, le futur système d’information des pompiers au niveau national.
Pour les pompiers de Paris notamment, c’était pour travailler sur le design des fiches bilans numériques, c’est-à-dire ces fiches que les pompiers remplissent quand vous avez un problème et donc leur dématérialisation vers l’hôpital pour avoir une continuité. Donc c’était le design de cette interface, qui est sur tablette.
Benoit : Merci Julien. Comment tu procèdes dans ce genre de contexte pour récolter de la donnée utilisateur, parce qu’on se doute qu’il y a certainement des spécificités ? Est-ce que tu pourrais nous en dire un petit peu plus ?
Julien : Oui, comme c’est un contexte d’urgence, forcément les données utilisateur peuvent être assez sensibles et doivent être récoltées dans des situations pas forcément faciles. Alors tout ne se passe pas sur le terrain directement, mais on va dire indirectement, on a plus ou moins accès aux victimes dans des situations d’urgence.
Pour récolter des données utilisateur, j’ai majoritairement été en centre d’appels d’urgence mais aussi sur le terrain, en intervention.
Donc pour récolter les données, j’ai majoritairement été en centre d’appels d’urgence dans plusieurs départements, centre police, centre pompier, centre SAMU et aussi sur le terrain directement, donc en intervention pour voir un peu les actions à mener, les demandes, les recherches, etc. Pour pour avoir le maximum de données au plus proche des utilisateurs.
Et le contexte spécial fait que ce n’était pas forcément évident, mais on y arrive comme d’autres recherchent finalement. Si on veut être au plus proche des utilisateurs, on peut.
Benoit : Est-ce que tu as réinventé certaines méthodes pour ce recueil de données qui était dans des contextes particuliers ?
Julien : Non, pas nécessairement, ce sont des méthodes UX classiques. C’est le contexte qui est un petit peu modifié et évidemment, il faut bien comprendre le métier, se le faire expliquer par les professionnels et tout ça.
Si le contexte est un petit peu modifié, j’utilise des méthodes UX classiques. Évidemment, il faut aussi bien comprendre ces métiers spécifiques de l’urgence.
Après le recueil en lui-même, c’est papier/crayon/questionnaire, voilà. C’est beaucoup d’adaptation, surtout parce que comme on est dans ce contexte là, on ne peut pas forcément dérouler un questionnaire de manière académique, mais les méthodes de recueil restent les mêmes, quand même.
Damien : Tu dis que tu est en « papier/crayon » et que tu n’as pas trop d’outils numériques sur toi. La restitution doit-être un peu plus complexe, non ?
Julien : Non, ça va, j’ai quand même des notes aussi sur mon téléphone. Souvent d’ailleurs, c’est plus le téléphone que « papier/crayon ». Ça dépend de ce qu’on a sous la main à ce moment là. Mais non, après je fais des synthèses de notes, ça ne change rien à la restitution.
Damien : Il y a un peu un imaginaire à propos du service public à propos du numérique, on a de potentielles lourdeurs, des lenteurs qui viennent en tête. Qu’en est-il vraiment ?
Julien : Et bien il n’y a pas une fonction publique, c’est très varié. Pour ce qui est de l’ANSC, en fait, c’est une petite agence relativement indépendante de ces autorités de tutelle. On a une tutelle Ministère de l’Intérieur et une tutelle DGSCGC qui fait partie du ministère de l’Intérieur, c’est la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion de Crise. Mais l’agence elle-même, c’est une vingtaine de personnes dans des locaux dédiés.
Il n’y a pas une fonction publique, c’est très varié. Pour ce qui est de l’ANSC, c’est en fait une petite agence relativement indépendante de ses autorités de tutelle.
On a une certaine latitude là-dessus. On a peut-être moins de lourdeurs administratives qu’on pourrait imaginer. Les limitations surtout, se situaient plutôt au niveau des outils autorisés et un réseau d’État sur lequel on ne peut pas accéder à tout. Ce sont plutôt des limitations un peu techniques, encore qu’en tant que freelance, moi je n’y suis pas soumis parce que j’ai mon propre laptop, donc je ne ressent pas cette lourdeur technique on va dire.
Damien : Est-ce qu’au contraire, en travaillant avec des services publics, tu as trouvé des choses qui étaient plutôt non pas des freins, mais des forces en fait, par rapport à ce que tu as pu faire avant ?
Julien : Oui. Je pense déjà que le service public fait toucher des projets qu’on ne pourrait pas toucher autrement, sur lesquels on ne pourrait pas travailler puisqu’il y a des sujets régaliens sur lesquels les entreprises privées n’ont pas la main. Donc typiquement ce système d’information des pompiers et les interventions, tout ce qui touche à la sécurité civile, c’est difficile de le faire au plus proche si on n’est pas dans le public. Donc là, le public va être une force.
Le service public permet d’aborder des projets sur lesquels on ne pourrait pas travailler. Il y a des sujets régaliens sur lesquels les entreprises privées n’ont pas la main.
D’autant qu’il y a quand même des décrets qui qui permettent de faire certaines choses, d’aller plus loin on va dire que ce qu’il est possible de faire dans le privé. Pour moi, ça c’est une force et ça permet de faire des produits qui vont être adoptés, qui vont vraiment être utilisés. On n’est pas sur un marché concurrentiel là-dessus. C’est c’est quand même intéressant de se dire qu’on travaille directement pour pour l’intérêt général dans ce cadre là.
Et comme je disais, l’ANSC est une petite agence et les agents qui sont dedans ont très tôt été sur de l’agile et ont pris ce pli là. Donc on avait quand même une démarche qui était assez proche de ce qu’on trouve dans le privé. Il y avait pas d’adaptation précise et ça a pu se faire assez facilement, y compris aussi sur l’organisation du projet. Ça c’était une force aussi.
Il existe même des décrets qui permettent d’aller plus loin que ce qu’il est possible de faire dans le privé. C’est une vraie force et ça permet de faire des produits qui vont vraiment être adoptés.
Damien : T’as l’air d’y trouver ton compte parce que ça fait déjà quelques années que tu travailles dans ce cadre là ?
Julien : Oui oui, tout à fait. Je suis très content de travailler avec les gens avec qui je travaille et sur un sujet qui m’intéresse beaucoup. C’est vraiment un projet qui me tient à cœur, on essaie de faire avancer les choses, il y a des résultats concrets, on voit l’implication que ça peut avoir directement, ça va vraiment améliorer le travail des agents de la sécurité civile et les bénéficiaires de l’autre côté, c’est-à-dire les usagers du service public qui vont en tirer aussi un intérêt pour être secouru plus rapidement et plus efficacement.
C’est vraiment un projet qui me tient à cœur, on essaie de faire avancer les choses, il y a des résultats concrets.
Donc, il y a vraiment une adéquation entre une bonne ambiance de travail, des gens compétents et sympathiques et le fait que ce soit très utile à la fin.
Damien : On a presque envie de venir faire ça avec toi… (rires)
Julien : On va peut-être chercher du monde en design prochainement, donc n’hésitez pas à me contacter, on va voir ce qu’on peut faire !
Damien : Je crois qu’il y a mon patron qui écoute le podcast… (rires)
Julien : (rires)
Benoit : Peux-tu prendre un petit instant pour nous raconter comment tu en es arrivé là ? Si on a bien compris, c’était avec le programme de designer d’intérêt général ?
Julien : Oui, le programme de designer d’intérêt général, c’est un programme qui était chargé de mettre en relation des designers et des administrations, parce que le métier de designer n’était pas forcément connu des administrations. C’était une sorte de dérivé du programme d’entrepreneur d’intérêt général.
Le programme designer d’intérêt général est un dérivé du programme d’entrepreneur d’intérêt général, à la base construit plutôt dans un esprit start up.
Le programme d’entrepreneur, c’était plutôt avec des développeurs, le terme d’entrepreneur, étant lié plutôt à l’esprit startup on va dire, à l’esprit innovation, un esprit d’entreprise au sens large, voilà. Donc il y avait ce programme d’entrepreneur d’intérêt général et il y a eu une sorte de dérivé qui était le programme designer d’intérêt général.
Les deux programmes ont fusionné l’année d’après parce que finalement ça se rejoignait pas mal, des designers ont intégré des équipes d’entrepreneurs d’intérêt général et aussi des juristes par la suite. Donc voilà, à chaque édition il y a de petites modifications pour coller au plus près du besoin des administrations.
Le principe c’est les administrations ont des problématiques, les exposent à la DINUM, qui est la direction interministérielle du numérique, qui est transverse à tous les ministères. Il y a un processus de sélection pour ces problématiques d’administration dans un premier temps et ensuite, une fois que ce qu’on appelle des défis ont été définis, préparés et sélectionnés, le programme va chercher des designers, des juristes, des développeurs pour pour répondre à ce besoin.
Sans le programme EIG, je n’aurais pas commencé cette aventure, puisque ces projets public étaient un peu verrouillé de l’extérieur.
Donc là, ça se passe avec un dossier écrit et ensuite si on est présélectionné, un oral. Alors quand moi j’ai fait le programme d’intérêt général, on faisait des vœux, on émettait trois vœux dans l’ordre pour savoir avec quelle administration on voulait le plus travailler. Je crois que ça a un peu changé maintenant, je crois qu’ils mettent en lien directement les personnes qu’ils jugent les plus aptes à répondre à un défi. Ils font du matching directement, je crois qu’il y a plus d’histoire de vœux.
Et ça, ça permet de mettre un pied dans le service public, là où ce sont des métiers normalement qui ne sont pas encore trop présents, auxquels il est difficile d’accéder. Puisque pour ces missions, ils ont des besoins spécifiques mais ils ne savent pas forcément de quels profils ils ont besoin.
Et quand on a un profil de designer, de développeur ou de juriste, de l’extérieur on peut avoir du mal à savoir qu’il y a telle ou telle problématique à l’intérieur de telle ou telle administration. Donc c’est vraiment un bon programme de levier pour rentrer dans le service public. Et je pense que sans ça, je n’aurais pas commencé cette aventure, puisque c’était un peu verrouillé, on va dire, de l’extérieur.
C’est tout simplement deux publics un différents, donc ça a vraiment permis de faire de belles choses comme programme et je suis bien contente qu’un ami m’ait passé ce lien un jour, que je soit allé jusqu’au bout en déposé un dossier et puis voilà.
Damien : Merci l’ami alors ! Ce sont des missions à durée déterminée si j’ai bien compris, comment tu fais-tu pour aller chercher d’autres missions ?
Julien : Oui, concrètement, la mission est à durée déterminée. Maintenant, il me semble que c’est dix mois ou un an. Quand j’étais en DIG, il y avait plusieurs durées, moi c’était sur une durée de six mois et donc pendant six mois j’avais fait au départ ce qui était l’application 112. La mission à l’origine était de faire un prototype pour tester la pertinence de faire une application pour appeler les secours, en plus de l’appel téléphonique classique que l’on connaît déjà, pour tout un tas de publics qui ne peuvent pas forcément utiliser l’appel téléphonique classique.
À l’origine, la mission était de faire un prototype pour tester la pertinence d’une application pour appeler les secours, en plus de l’appel téléphonique classique que l’on connaît déjà.
Et donc il fallait tester cette piste là, il fallait tester la pertinence, il fallait faire des tests auprès du public et donc avoir un prototype fonctionnel. Voilà ce que j’ai fait pendant six mois.
Et à l’issue de ces six mois, comme cette mission là s’était bien passée, que ça avait donné satisfaction et que les autres projets Nexis qui commençaient à se construire aussi à côté m’intéressait, et ils m’ont proposé un prolongement en tant que freelance pour continuer à travailler avec eux, en mission. Donc mes missions après n’ont pas été lié directement au design d’intérêt général, mais c’était la porte d’entrée.
Damien : Il y a une forme de communauté des designers d’intérêts généraux ? Vous êtes un peu tous reliés, ce qui vous permet un peu de vous informer des prochaines missions ou d’échanger même sur des pratiques, c’est ça ?
Julien : Oui, tout à fait, il y a un aspect promo, un peu comme école on va dire. D’ailleurs je ne l’avais pas forcément anticipé au départ quand j’ai fait le programme. Je pensais qu’on était vraiment dans une administration et puis après on se débrouillait et en fait le programme était très très accompagné justement pour les gens.
Il y a une communauté de designers, avant le COVID on se voyait mensuellement et entre les événements mensuels, on s’échangait des conseils, on s’entraidait.
Il y avait une communauté de designers quand moi j’y étais et on se voyait mensuellement et entre les événements mensuels, on s’échangeait des conseils, on s’entraidait. Parfois les administrations étaient proches donc on venait se voir un peu l’un chez l’autre et ça permettait de partager des bonnes pratiques, de partager justement quand il y avait des blocages. Je n’ai pas rencontré de blocages à mon niveau, dans mon administration, mais il y avait des administrations un peu plus rigides, donc ça permettait de lever les freins.
Il y avait les DIG link, donc les personnes qui étaient chargées de la promotion, de l’animer et d’aider qui étaient très présents aussi et qui permettait de fluidifier tout ça et d’avoir un peu cet esprit promo.
Encore maintenant on a un slack et on s’échange des plans, des demandes de travail de l’entraide. Tout ça a perduré après la mission puisqu’on est trois ans à peu près après la mission, et on continue de se proposer des missions, de dire qu’il y a des recherches sur telle ou telle compétence.
Benoit : Est-ce que ça vous arrive de travailler à plusieurs ou vous êtes-vous systématiquement une personne sur un projet précis ?
Julien : Alors pour ce qui est des DIG à l’époque, c’était un.e ou deux designer. Dans mon cas, j’étais tout seul, mais il y avait des défis ou ils étaient deux designers. Ensuite, quand le projet a rejoint le projet EIG, c’était en fait des équipes qui étaient composées de designers, développeurs, data scientist et après même de juriste numérique. Les équipes étaient composées de plusieurs personnes dans ces profils là, soit une équipe complète avec juriste, data scientist, développeur et designer, soit par exemple designers, data scientist et développeur.
Le programme DIG à l’époque, c’était un.e ou deux designers. Ensuite, quand nous avons rejoint le projet EIG, il y a eut des équipes composées de designers, développeurs, data scientist et juristes numériques.
Par exemple à l’ANSC, le défi EIG 4 c’était pour faire une application de gestion de crise, et là je me suis retrouvé un peu de l’autre côté, c’est-à-dire que j’ai accueilli et j’ai aidé à la sélection d’autres EIG qui sont d’ailleurs restés après aussi pour travailler là-dessus. Eux, ils étaient trois par exemple.
Damien : Vous êtes encore beaucoup de designers de la première promo à travailler pour des services publics ?
Julien : Je n’ai pas les statistiques précises, mais je sais qu’il y a pas mal de gens qui sont restés dans ce secteur. Après tout statut confondus, il y en a qui ont eu une prolongation de contrat ou un recrutement, d’autres qui ont fait ça en freelance.
Mais j’ai l’impression qu’il y a encore pas mal de gens qui sont proches du service public et qui continuent à travailler soit sur leurs missions de départ parce qu’il y avait des missions qui se sont prolongées ou enrichies peu à peu, soit dans leur même administrations mais avec un autre poste, soit dans d’autres administrations, proches ou pas.
Damien : Ok, l’adérence se fait bien entre les designers et les missions.
Julien : Oui, j’ai l’impression qu’il y a une bonne adhérence. Moi même là je travaille avec Beta.gouv qui est un programme voisin qui n’est exactement le même programme mais sur d’autres problématiques et d’autres sujets qui ne sont pas liés à la sécurité civile mais qui sont aussi des projets publics. Donc effectivement il y a une adhérence et une fidélité on va dire, au sujet.
Damien : Beta.gouv, un sujet qu’on a pu aborder lors des derniers épisodes avec Raphaël Yharrassarry effectivement.
Est-ce que dans le cadre du programme DIG vous aviez des moments ensemble pour vous retrouver, partager un moment sympa ?
Julien : Oui mais le COVID avait mis pas mal un frein à tout ça. Quand c’était du temps des DIG, on le faisait tous les mois ou même moins. Après il y a eu un peu les restrictions de sorties, donc ça c’est un peu calmé.
Les EIG 6 sont arrivés en septembre, nous avons pu faire connaissance, il y a un côté ancienne promo, une nouvelle promo qui permet de se passer des conseils.
Mais il y a deux semaines, on a refait une soirée justement pour pour voir les nouveaux, parce qu’il y a une nouvelle promotion qui arrivait, les EIG 6 qui a commencé en septembre je crois, j’ai peur de dire une bêtise mais il me semble que c’était en septembre. Donc on a fait un pot avec eux, ça fait un côté ancienne promo, une nouvelle promo, on va se passer des conseils justement, les accueillir…
Damien : C’est la semaine d’intégration. (rires)
Julien : Voilà, c’est ça, c’est un peu la semaine d’intégration.
Damien : As-tu quelques petites anecdotes sur ce que tu as pu vivre lors de tes missions avec l’ANSC ou les pompiers de Paris ?
Julien : Oui, il y a plein de petites anecdotes. Ne serait-ce que la découverte du métier, des cas d’usage, des cas métier, quand on se le fait expliquer par les pompiers des choses qu’on n’avait pas anticipé forcément, qui sont une certaine façon de travailler ou des logiques un peu complexes. Donc ça, c’est pour le côté métier où il faut intégrer tout ça.
Quand je me fais expliquer par les pompiers leur métier, leur cas d’usage, il y a des choses que je n’avais pas anticipé, une certaine façon de travailler, des logiques complexes.
Ça c’est plutôt une anecdote métier, pas vraiment une anecdote sur le terrain, mais prendre en compte toutes les situations. Prendre en compte par exemple quand dans la disponibilité des camions, il peut y avoir le camion en intervention, le camion sur place, le camion à l’hôpital et puis après il y a même des manœuvres et il peut y avoir le camion qui est au sport, donc quand on les accompagne au gymnase, les pompiers pour s’entraîner le matin, il faut prendre en compte tous ces statuts ! Ce sont des choses qui sont rigolotes. La première fois qu’on te dit « Mais quand le camion est au sport » et toi tu es là « Le camion qui est au sport, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? » et puis après tu comprends un peu le contexte.
Ça c’est, on va dire, des contextes au quotidien et des choses à prendre en compte qui sont qui sont peut rigolotes. Après sur le terrain, forcément avec le nombre d’immersion et tout ça, en centre d’appels on a plein de choses. Souvent ce sont des appels légitimes, mais on a aussi son lot de d’appels abusifs avec des gens qui demandent quelle couleur de stylo il faut utiliser pour le constat et qui appellent la police pour ça ou qui se plaignent d’avoir des problèmes abracadabrants, que la Fnac va pas leur faire un crédit ou quelqu’un qui n’était pas content au McDonalds parce qu’il voulait pas mélanger deux goûts de glace, donc il appelait la police pour ça. Et puis côté pompiers aussi, il y a quelques appels un peu hurluberlu.
En centre d’appels nous récoltons plein de matière également. Souvent ce sont des appels légitimes, mais on a aussi son lot de d’appels abusifs.
Ensuite sur le terrain d’intervention, c’est là aussi plus le contexte. Alors je n’ai pas une anecdote en particulier sinon après je vais me répéter, mais forcément il y a celle ou j’ai vu l’hélicoptère se poser sur l’autoroute à ma première immersion, mon premier questionnaire. C’était dans ce contexte là, donc c’était une entrée en matière complètement inédite, même pour un UX designer.
Ensuite, finalement, c’est très humain, le métier que font ces gens, Il y a du secours et aussi un certain volet social. Donc on découvre tout ça et chaque situation un peu unique. C’est un peu déroutant au début parce que voilà, on est dans un métier où d’habitude on travaille plutôt dans un bureau où on interroge des gens qui travaillent eux mêmes dans des bureaux. Et là on va se retrouver dans du très concret, à devoir interroger des gens qui ont des parcours différents, qui sont dans une situation peut-être un peu plus de vulnérabilité. Donc il faut être particulièrement attentif à ne pas les brusquer avec nos questions ou à savoir faire preuve de retenue et puis oublier un peu qu’il faut remplir un questionnaire justement. C’est pour ça que j’évitais d’avoir des trames de questions déjà toutes faites.
Dans ces métiers, il y a du secours mais aussi un volet social. C’est déroutant au début parce que je suis dans un métier ou j’interroge d’habitude des gens qui travaillent dans des bureaux. Et là on va se retrouver dans du très concret, à devoir interroger des gens qui sont dans une situation de vulnérabilité. Il faut être particulièrement attentif à ne pas les brusquer avec nos questions.
Donc voilà. Mais il y avait plein de choses, j’ai assisté à un jour à une naissance pendant un test, enfin voilà, ce sont des choses qu’on ne voit pas tous les jours quand même. En tout cas c’était très enrichissant, toutes les situations étaient différentes.
Damien : Et te voilà designer-sage-femme, c’est quand même vraiment incroyable. (rires)
Julien : Oui voilà, après ils disaient que j’étais d’office le parrain du petit, c’est la tradition (rires). Mais voilà, on commence un test et puis tout d’un coup l’accouchement se déclenche, c’est toujours un peu déroutant. Donc évidemment on a abandonné le test immédiatement. Et puis on demandait pas la maman, on demandait au plus tôt au témoins, donc voilà.
Damien : C’est je pense, des moments assez assez marquants effectivement.
Est-ce qu’il y a eut des moments ou tu as senti que ce que tu avais fait, ça avait du sens, que ce n’était pas juste une interface un peu plus jolie mais que ça allait vraiment faciliter la vie de personnes ?
Julien : Alors c’est une question que l’on peut se poser aussi parce que justement, il faut humble là dessus. C’est-à-dire que il y a des développeurs, des designers qui vont dire « Oui, on contribue à sauver des vies et tout ». Pour moi, c’est vraiment les pompiers, le SAMU qui sauvent des vies. Nous, effectivement, peut-être que l’on y contribue de loin, pour des outils. Donc je n’irai pas jusque là, mais c’est vrai que ça va améliorer certaines choses.
Il faut être humble sur nos actions. Certains développeurs ou designers qui vont dire qu’ils contribuent à sauver des vies. Pour moi, ce sont les pompiers, le SAMU qui sauvent des vies, même si nos actions vont améliorer certaines choses.
Indéniablement, quand on fait des tests utilisateur, on voit que les opérateurs ont beaucoup plus de facilité pour qualifier une alerte ou prendre les appels plus rapidement, localiser les personnes le plus rapidement. Donc ça, fatalement, si ils mettent une minute de moins ou 30 secondes de moins à localiser un arrêt cardiaque, et bien ça augmente drastiquement les chances de survie de la personne. Donc il y a des impacts directs. C’est aussi a une grosse responsabilité parce que justement il ne faut pas faire de bêtise sur le parcours.
Donc dans ces dans ces cas là, oui, on le sent, même sur la limitation d’erreurs sur la prise de bilan et sur la fiche bilan, on sait que si aujourd’hui ils peuvent prendre correctement le nom en scannant la carte d’identité ou ce genre de chose, ça va limiter les pertes de dossiers et tout ça. Donc ça a un impact direct sur les victimes, c’est certain.
Benoit : Est-ce qu’humainement, tu peux nous dire si ces contextes d’interventions complexes, difficiles t’ont posé problème ?
Julien : Il y a deux aspects. Il y a l’aspect, on va dire services d’information pour les services de secours où là ça va être surtout beaucoup de « logique pompier », dans ce cas là, à prendre en compte, à comprendre et tout ça. Mais le produit va concerner plutôt directement les opérateurs qui sont donc en fait en centre de traitement des appels ou en centre pour dispatcher les engins, distribuer les secours, etc. Donc là, ce travail là va concerner des pompiers et donc indirectement des victimes, mais ça ne va pas être en contact direct.
Après, pour ce qui est de l’application de fiche bilan par exemple, là ça va vraiment être des choses qui sont plus proches des victimes et c’est là où il y avait surtout des immersions où on a forcément dû embarquer dans les camions pour voir comment ça se passait.
Même si à titre personnel ça m’intéresse, je ne suis pas tout le temps sur le terrain. Mais j’essaie d’être au plus proche des utilisateurs, qui sont à la fois les agents publics et les victimes en général.
Ça dépend sur quels aspects du produit on va travailler. On n’est pas forcément en contact avec les victimes tout le temps. D’ailleurs, ce n’est pas le plus gros de mon travail, c’est plutôt pour vérifier sur certains produits que c’est bon. Forcément, c’était les plus marquants, donc c’est celle qu’on raconte après le reste du temps, c’est quand même relativement calme, ça reste un travail de bureau.
Hors immersion, je ne suis pas tout le temps sur le terrain, même si à titre personnel, ça m’intéresse. Après, moi j’essaie d’être plus proche des utilisateurs et donc des usagers. Donc les usagers qui sont à la fois les agents publics et les usagers, les victimes en général.
C’est un sujet qui m’intéresse, j’aime aller en immersion. D’ailleurs à force de travailler avec les pompiers, j’ai fini par passer mon brevet secouriste.
C’est vrai que c’est un sujet qui m’intéresse et moi je cherche aussi à aller en immersion et ce genre de choses. En fait, à force de travailler avec les pompiers, j’ai même passé mon brevet secouriste, donc le PSE2, qui permet d’être secouriste aussi. Donc voilà, j’ai pas de problème avec ça personnellement, je pense que si quelqu’un a un peu peur d’avoir des situations complexes, parce que c’est vrai que ce n’est pas forcément évident de rencontrer des gens qui sont en détresse ou des choses comme ça, Il n’est pas obligé d’être confronté directement dans les interventions, c’est pas une obligation. Moi je considère que c’est mieux, mais il ne faut pas se retenir de postuler pour ça.
Benoit : Pour finir sur une note un peu plus légère, la traditionnelle, ultime question ! Dans le monde qui t’entoure personnellement ou professionnellement, qu’est-ce qui t’a bluffé dernièrement ?
Julien : Récemment, j’ai vu que qu’il y a un médecin sur Twitter qui s’appelle Dr Borée qui a été sélectionné pour partir sur une base au fin fond du pôle Sud. Et donc il racontait un peu l’entrainement rigoureux pour y arriver. Et comme il va être médecin là bas, il doit être prêt à toutes les toutes les situations. Il a aussi pris des cours, on va dire annexes de secours d’urgence et tout ça rejoint un peu le secours.
Ma découverte c’est ce médecin, Dr Borée sur Twitter, qui a été sélectionné pour partir sur une base au fin fond du pôle Sud.
Mais au départ, ce n’était pas pour l’aspect secours que c’était intéressant, c’était plutôt pour l’aspect base perdue au milieu de rien et je me suis renseigné dessus, du coup j’ai appris que c’était une des bases les plus isolées. Ils étaient même plus isolés l’hiver que la station spatiale internationale puisque l’ISS, ils ont des Soyouz pour revenir sur la Terre en cas d’urgence, alors que là il n’y a vraiment rien alors qu’ils sont sur la terre.
Grace au Dr Boree, j’ai appris que c’était l’une des bases les plus isolées de l’univers. L’hiver, elle est même plus isolés que la station spatiale internationale.
Donc voilà, de fil en aiguille, je me suis renseigné sur le truc et je connaissais pas du tout ça. Je ne m’étais jamais intéressé à cette question et en fait j’ai découvert plein de trucs et j’étais un peu soufflé par la logistique, l’isolement, tout ce qui est mis en place pour pour faire avancer la science, côté pôle sud et côté mesure. Voilà, j’ai découvert ça et on va dire que c’est le dernier truc qui m’a bluffé.
Benoit : Merci beaucoup pour cet exemple passionnant, c’est intéressant.
Damien : Merci beaucoup Julien et merci pour le temps que tu nous a consacré aujourd’hui. Je crois que tu as comblé la curiosité des auditeurs et auditrices au sujet du design de l’urgence que tu promeus ces dernières années.
D’ailleurs, si des gens veulent en savoir plus, n’hésitez pas à aller voir la conférence de Julien Dubedout en replay, celle de Paris Web 2022. On sait que ce sont des enjeux ô combien importants et qui ont, c’est le cas de le dire, un vrai sens, un impact sur la vie des utilisateurs et utilisatrices concernées, on parle même de victimes, donc encore merci Julien.
Julien : Merci à vous de m’avoir reçu. N’hésitez pas si vous avez des questions pour les auditeurs et auditrices, j’y répondrais avec plaisir parce que je suis intarissable sur le sujet une fois que je suis lancé et ça me passionne aussi.
Si vous voulez plus d’informations, comme je disais, on cherche aussi des profils de designers un peu polyvalents pour travailler sur tout ça, donc n’hésitez pas à me contacter sur le site Dédale.
Damien : Tu fais bien de le préciser et on ne manquera pas de signaler aux auditeurs et auditrices du podcast qu’ils peuvent te poser leurs questions. Merci Julien et à bientôt !
Julien : Merci beaucoup, merci à vous, à bientôt.
Benoit : Merci.
Damien : Il ne nous reste plus qu’à vous remercier d’être toujours plus nombreux à suivre notre podcast. Nous espérons d’ailleurs que ce premier épisode de l’année 2023 vous aura plu.
On se retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode de notre format court intitulé Capsule Design.
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Sur ce, on vous souhaite une très bonne année 2023 et à bientôt pour de nouveaux épisodes de Salut les Designers !
Découvrez tous les mois un nouvel épisode de Salut les Designers consacré au design et à ses méthodes. UI, UX, motion, accessibilité, éco-conception, recherche, nous échangeons avec des professionnel·le·s passionné·e·s au grès de nos rencontres pour mieux comprendre leurs méthodes de conception centrée utilisateur.
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