SLD #27 · Anne-Sopie Tranchet, UX et Experte en accessibilité web
SLD #27 · Anne-Sopie Tranchet, UX et Experte en accessibilité web
Damien et Yohan reçoivent dans ce nouvel épisode de Salut les Designers Anne-Sophie Tranchet, designer UX et experte en accessibilité web ! De ses premiers pas de développeuse pour DotClear à sa « Conférence pour l’éthique et la diversité dans la tech » pour MiXiT en 2022, retrouvez le parcours d’Anne-Sophie et son rôle actuel au sein de beta.gouv.
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’Agence LunaWeb !
Dans cet épisode N°27, Damien et Yohan explorent en compagnie d’Anne-Sophie Tranchet, designer UX et experte en accessibilité web, son parcours et son rôle actuel au sein de beta.gouv.
L’occasion de revenir sur les sujets au combien importants de l’accessibilité et de l’éco-conception chers à Anne-Sophie, qui jalonnent ses expériences de développeuse puis de designer UX et sur lesquels elle revient régulièrement au sein de ses articles.
Bonne écoute à tous et à toutes !
Les Designers de l’Agence LunaWeb.
La transcription
Damien : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Salut les Designers, le podcast de l’agence LunaWeb. Ici Damien et je suis accompagné aujourd’hui par Yohan, salut Yohan !
Yohan : Salut Damien !
Damien : Aujourd’hui, nous sommes ravis de recevoir Anne-Sophie Tranchet, UX designer et experte en accessibilité web. Bonjour Anne-Sophie et merci d’être avec nous aujourd’hui, comment ça va ?
Anne-Sophie : Et bien ça va bien, merci !
Yohan : Anne-Sophie, avant de commencer, est-ce que tu voudrais bien te présenter rapidement, nous expliquer ton parcours en quelques mots ?
Anne-Sophie : Carrément ! À la base, je suis développeuse de formation. J’ai fait une fac d’informatique dans les systèmes de sécurité des réseaux et après, j’ai travaillé très vite en tant que développeuse dans une boîte qui faisait du livre numérique. C’est au sein de cette boîte qu’après cinq ans de dev, on m’a proposé de devenir UX designer.
Après cinq ans en tant que développeuse, j’ai eu l’opportunité de devenir UX designer. C’était évident que je m’intéressais à tout ce qui touchait à l’UX, notamment quand j’allais à des événements comme Paris Web.
Parce qu’ils avaient vu que je parlais beaucoup test utilisateur, je m’intéressais à tout ce qui était UX, quand j’allais à des conférences comme Paris Web, c’était exclusivement pour voir des trucs d’UX. Donc voilà, je me suis un peu reconvertie au sein d’une entreprise, j’y suis encore restée trois ans et après, j’ai décidé de passer UX à mon compte.
À ce moment là, j’ai encore un petit peu bifurqué parce que le fait d’être à mon compte m’a permis d’explorer un peu mieux certains sujets comme l’accessibilité ou le contenu.
Damien : Tu es aussi en complément experte en accessibilité web. Pourquoi est-ce que tu as eu envie de pousser cette expertise et quel est ton champ d’intervention sur ce sujet dans tes missions actuelles ?
Anne-Sophie : L’accessibilité, je suis tombée dedans quand j’étais petite ! C’est l’expression que j’utilise, pour reprendre Obelix, mais quand j’étais étudiante, je participais beaucoup à un projet open source qui s’appelle DotClear. C’est un équivalent français à WordPress qui vivote encore un petit peu aujourd’hui, mais à l’époque, on était une quinzaine de personnes à travailler dessus.
À l’époque sur DotClear, tout ce que l’on développait était accessible. C’est là que j’ai compris que les personnes en situation de handicap aussi naviguent sur Internet. Ça m’a vraiment intéressée.
J’étais étudiante, je découvrais vraiment tout du monde du Web et comment fonctionnait un projet. Et l’accessibilité, c’était vraiment « by design ». Tout ce qu’on faisait était accessible. C’est là que j’ai découvert que les personnes aveugles aussi naviguent sur Internet et tout ce genre de choses. Et ça m’a vraiment intéressée.
Ensuite, quand j’ai commencé à travailler dans le monde professionnel, toute cette manière de faire que j’avais découvert, je l’ai totalement perdue parce là où j’évoluais, ce n’était pas des contraintes que l’on se posait. C’est pour ça qu’à mon compte, c’est quelque chose que j’avais envie de retrouver parce que j’avais un peu perdu de vue en 7, 8 ans. Je me suis remis dedans, entre temps j’avais changé de métier, j’étais devenue designer et du coup, je me suis dit « OK, l’accessibilité, je connais un petit peu en tant que dev, mais qu’est-ce que ça veut dire en tant que designer ? ». J’ai dû me reformer à nouveau pour comprendre un peu ce que ça voulait dire dans mon nouveau métier.
Aujourd’hui, l’accessibilité est quelque chose que je pratique professionnellement et mon champ d’intervention chez beta.gouv, c’est de la désacraliser pour faire comprendre ce qu’il y a derrière.
Maintenant, c’est quelque chose que je pratique professionnellement et mon champ d’intervention dans ma mission actuelle chez beta.gouv, c’est déjà, de désacraliser, de faire comprendre aux gens ce qu’il y a derrière l’accessibilité. Un peu ce que j’ai fait quand je me suis remis dedans, comprendre qu’est-ce que chacun peut faire à son niveau. Et puis aussi les former, les rendre compétents ou autonomes pour avancer un minimum sur ces sujets.
Et puis accompagner. L’accessibilité, c’est un sujet assez vaste et on peut dégainer la totale avec un audit RG2A, mais ce n’est pas la première chose à faire. Généralement, il y a plein de petites choses à faire en amont, accompagner les gens en ce posant des questions « Tu es à ce stade là de ton projet, qu’est ce qu’il y a d’intéressant à mettre en place ? Est-ce que ce sont des tests automatiques ? Est-ce que c’est des tests à faire par l’équipe ? », ce genre de chose. Identifier un peu les premières étapes et faire un plan d’action pour inclure l’accessibilité dans le process.
Yohan : Quand tu es arrivée chez beta.gouv, l’accessibilité était déjà un sujet ou tu l’as apporté ?
Anne-Sophie : On m’a demandé de l’apporter. C’était vraiment le cadre de ma première mission chez beta.gouv. Du coup, c’était assez peu abordé avant ou alors de manière très ponctuelle. En fait, c’était abordé si des gens étaient compétents et volontaires en la matière. Et un des très gros problèmes d’accessibilité, c’est l’énorme manque de formation. Donc, je n’ai pas de chiffres, mais la majorité des gens n’avaient jamais entendu parler d’accessibilité, donc n’en faisaient pas.
L’accessibilité, c’était vraiment le cadre de ma première mission chez beta.gouv.
Mais oui, dans une communauté de 300 personnes, il y en a quand même trois ou quatre qui sont intéressés par la chose. Chez beta.gouv, c’était encore peu abordé il y a trois ans quand je suis arrivée. Mais dans l’État, ce sont quand même des sujets qui ont été abordé, ne serait-ce que parce que ça fait dix ans que tous les services publics devraient être accessibles. Il y avait plein d’initiatives un peu partout au niveau de l’État, je pense par exemple au Design System Français de l’État. Pour moi, ça a été un gros pas en termes d’accessibilité parce que j’ai vraiment vu le avant/ après.
Dans le service public, ce sont quand même des sujets qui sont abordés, ne serait ce que parce que ça fait dix ans que tous leurs sites devraient être accessibles.
Chez beta.gouv, les gens réinventaient toujours les mêmes composants, des onglets, des accordéons, ce genre de choses, et bien quand tu en as un qui est bien fait, qui est navigable au clavier, etc, ça facilite la tâche. En plus, tu peux t’inspirer quand tu fais des nouveaux composants. Le DSFR, c’est quelque chose qui n’est pas du tout créé par beta.gouv, mais qui a insulflé des bonnes pratiques d’accessibilité assez largement.
Damien : Le système de design français n’est pas forcément conforme à 100 %, mais il est très conforme, c’est ça ?
Anne-Sophie : En lui-même, tous les composants sont conformes à 100 %. Par contre, utiliser le design système de l’état ne garantit pas que ton service soit accessible. On s’est amusé avec un collègue a réfléchir autour de ça.
Le système de design de l’État a été un gros pas en termes d’accessibilité pour les services publics. J’ai vraiment vu un avant/après.
En gros, ça te garantit des bases saines parce que 70% de ton code va être bien fait, mais encore faut il l’utiliser à bon escient, donc bien lire la documentation. Ensuite, il y a tout ce qui est contenu et ça, ça n’est pas géré par le design system…
Damien : Si on oublie de remplir les balises alt, ou des choses comme ça, effectivement.
Anne-Sophie : Voilà. Donc ça aide, mais ça ne suffit pas. Même avec un design système accessible, on peut faire quelque chose de non accessible.
Damien : Oui, après c’est livré, c’est dans la nature. (rires)
Anne-Sophie : C’est ça. (rires)
Damien : Tu t’intéresses aussi à la notion d’accessibilité par le contenu ? Est-ce que tu veux bien nous expliquer ce que c’est ?
Anne-Sophie : C’est vrai qu’aimant bien écrire, quand j’ai commencé à entendre parler d’UX Writing, c’est un sujet qui m’a intéressée. En fait, l’UX Writing ou Content Designer, il y a des personnes qui font exclusivement du contenu et c’est un périmètre assez large, finalement, qui traite plein de problématiques. Et moi, en tant que designer, j’avais l’impression que c’était assez proche de mon périmètre et en tant que designer intéressée par l’accessibilité, encore plus.
En tant que designer, j’ai toujours eu l’impression que le contenu était proche de mon périmètre. Surtout dans le cadre de mon intêret pour l’accessibilité.
Je me retrouve beaucoup dans la problématique de donner la bonne information au bon moment. Ça, c’est un des piliers de l’UX Writing. Et donner l’information de manière compréhensible. Et ça aussi, c’est un truc qui relie vachement le domaine de l’UX Design et de l’accessibilité.
Parce que d’autant plus dans les produits sur lesquels je travaille, dans le service public, ça passe beaucoup par les mots, parfois par du jargon, par expliquer des textes légaux, les rendre accessibles à quelqu’un qui n’est pas forcément familier avec toutes ces notions légales, mais qui a besoin de comprendre ce qu’il faut faire. Pour moi, c’était vraiment dans la continuité de ce que j’aimais bien faire.
Damien : L’UX Writing, c’est une notion que tu as un peu explorée, est-ce que tu fais des ponts avec l’accessibilité de contenu ?
Anne-Sophie : Oui, je fais pas mal de ponts. Je me suis aussi beaucoup intéressée à tout ce qui est facile à lire et à comprendre. C’est hyper intéressant, il y a le FALC, ça va vraiment être une méthode pour rédiger des contenus, mais c’est vraiment orienté pour un public spécifique qui a par exemple des troubles cognitifs. Mais entre ces contenus hyper faciles à lire et comprendre avec vraiment seulement une phrase par paragraphe, des icônes pour aider à comprendre, ce n’est pas toujours quelque chose qu’on va pouvoir mettre sur un site. Des fois, t’as envie de mettre deux phrases dans un paragraphe.
Dans le service public, l’information passe beaucoup par du jargon et des textes légaux. Les rendre accessibles pour qui n’est pas familier avec toutes ces notions légales est important.
Mais il y a vraiment un spectre entre écrire un pavé de texte, un mur de texte illisible et le FALC qui est vraiment spécifique. Et entre les deux, il y a plein de bonnes pratiques. Écrire pour le Web, c’est très différent d’écrire de manière littéraire comme on a pu apprendre à l’école. Et du coup, je trouve ça hyper intéressant et très complémentaire, en tout cas sur les produits où je suis. Ça va vraiment pour moi dans le cadre de ma mission.
Damien : Je précise pour les personnes qui nous écoutent que FALC, c’est bien l’acronyme de « Facile À Lire et à Comprendre », des fois que ça ne soit pas clair.
Anne-Sophie : Exact.
Yohan : L’Éco-conception est aussi un sujet qui t’interesse. On a vu que dernièrement, tu avais partagé tes recherches sur l’éco-design, tu as co-organisé la journée de l’éco-conception l’an passé à Paris. Est-ce que ce sujet, tu arrives à le mettre en application chez beta.gouv ?
Anne-Sophie : Dans l’incubateur de beta.gouv, l’éco-conception est un peu prise en compte par défaut, en tout cas dans le sens du design, parce que l’on va avancer doucement sur un sujet. Quand je dis « doucement », on prend notre temps, on fait beaucoup d’itérations, on met en ligne des trucs un peu nuls au début et on itère, on voit ce qui marche et on n’est pas du tout dans l’optique de faire un gros mastodonte avec plein de fonctionnalités inutiles. On réfléchit avant de mettre en place une nouvelle fonctionnalité et ça, c’est tout le pan design de l’éco-conception, faire seulement ce qui est utile.
Chez beta.gouv, l’éco-conception est un peu prise en compte par défaut, en tout cas dans le sens du design. On fait beaucoup d’itérations, on n’est pas du tout dans l’optique de faire un gros mastodonte avec plein de fonctionnalités inutiles.
L’autre chose qu’on retrouve aussi chez beta.gouv, c’est de faire des services qui soient utiles à la société, que ce soient des particuliers ou des professionnels. Ça aussi, c’est un élément fort de l’éco-conception, c’est qu’un service qui ne sert à rien ou qui est nocif à la planète ne peut pas être éco conçu. Il y a cette idée.
Après, dans la partie plus Tech, développement, performance de l’éco-conception, ça honnêtement, ça dépend des équipes. Il y en a qui sont sensibilisés à ces questions-là et qui vont aller plus loin, notamment les équipes qui sont au ministère de la transition écologique.
Un élément fort de l’éco-conception, c’est qu’un service qui ne sert à rien, qui est nocif à la planète ne peut de base pas être éco-conçu.
Et puis, pour d’autres, ce n’est pas forcément dans leur périmètre principal. Encore une fois aussi, peut être par manque de formation ou d’autres. C’est difficile d’être sur tous les sujets.
Damien : Votre démarche de conception chez beta.gouv semble intégrer de la recherche utilisateur. Est ce que tu veux bien nous expliquer comment ?
Anne-Sophie : En fait, la recherche utilisateur va dépendre de chaque équipe. Je travaille dans une équipe où il y a une personne dédiée qui fait de la recherche et du coup, c’est génial. C’est un truc que je découvre parce que j’ai souvent travaillé en UX designer solo. Et là, il y a quelqu’un qui fait la recherche pour moi et qui me donne un livrable. C’est trop bien. J’ai juste à faire mes maquettes avec les résultats. Dans d’autres équipes, c’est moi qui vais faire la recherche en plus de faire les maquettes, etc. Donc ça dépend beaucoup.
Parce que j’ai souvent travaillé comme UX designer en solo, chez beta.gouv je découvre le fait de bénéficier d’un livrable de recherche fait par quelqu’un d’autre. Et c’est trop bien !
Par contre, il y a vraiment une culture de la recherche dans le sens où les produits qui sont incubés chez beta.gouv, avant de commencer la moindre ligne de code, ça commence par de l’investigation. C’est le terme pour qualifier les gens qui vont faire des interviews, essayer de comprendre la problématique et comprendre « OK, là, il y a un truc qui va pas et comment est ce qu’un outil numérique pourrait le résoudre ? ». Ce sont des méthodes d’UX design et d’UX research.
Moi, en tant que professionnelle de l’UX, je trouve que ça manque parfois de protocoles. Ce n’est pas toujours assez carré par rapport à ce que je voudrais faire, parce que les gens qui vont le faire ne sont pas nécessairement researchers de métier. Mais en tout cas, il y a vraiment la volonté d’être proche des utilisateurs et de ne pas faire des choses pour rien, de répondre à un vrai besoin.
Damien : Ce sont des UX designers qui font de la recherche ?
Anne-Sophie : En tout début de projet, le tiers qui fait la recherche, c’est un agent public ou une agente publique qui a identifié le problème. Donc c’est quelqu’un dont l’UX n’est pas le métier, mais c’est quelqu’un dont le web n’est pas le métier.
Chez beta.gouv, le tiers qui fait la recherche en tout début de projet, c’est un agent ou une agente publique qui a identifié un problème.
Après, cette personne est accompagnée de quelqu’un qui la coach en termes de comment faire un produit numérique. Et généralement, c’est le coach ou la coach qui va l’orienter sur « Tu fais une trame, tu poses des questions ouvertes», un peu toutes les bonnes pratiques d’une bonne recherche utilisateur.
Damien : Il y a de l’accompagnement pour essayer de limiter les biais ?
Anne-Sophie : Oui, c’est ça.
Damien : C’est le pire ennemi, effectivement, en recherche ou en « discovery » comme on dit maintenant.
Anne-Sophie : Oui, c’est ça, c’est de la « discovery », la phase d’investigation.
Damien : C’est bien aussi de faire ça avec des personnes qui sont sur le terrain, des fois, ça permet d’avoir peut-être une prise d’empathie un peu différente.
Et donc, derrière, vous utilisez cette matière pour votre recherche ?
Anne-Sophie : Ce dont je t’ai parlé, c’était la recherche initiale qui permet de trouver le périmètre du problème qu’on va résoudre. Après, au fur et à mesure qu’on avance dans le produit, on refait de la recherche régulièrement et du coup, une fois qu’il y a des designers dans l’équipe, c’est plus facile de les solliciter sur ces sujets là.
La recherche est ensuite utilisée par l’équipe du projet, parfois des développeureuses, parfois des designers selon ou nous en sommes dans le processus.
Mais parfois, dans certaines équipes, le choix de faire intervenir un designer arrive assez tard parce que le budget est limité et du coup, il y a l’impression que le dev est peut être plus important. C’est vrai que si t’as zéro code… Et du coup, parfois, c’est d’autres membres des équipes qui vont faire ces tests ou ces entretiens.
Damien : Et le public de ces recherches c’est plutôt des agents de la fonction publique ou plutôt le grand public ?
Anne-Sophie : Ça, ça dépend. Chez beta.gouv, il y a 150 produits différents. La plupart des produits s’adressent à plusieurs cibles. Typiquement, tu vas t’adresser un petit peu au grand public et un petit peu à des agents de la fonction publique ou bien un peu à des professionnels et un peu à des agents de la fonction publique.
Chez beta.gouv, il y a 150 produits différents qui s’adressent forcement à différentes cibles utilisateur, particuliers, professionnels et agent du service public.
Souvent, la cible côté agent de la fonction publique est assez facile à « reacher », à atteindre. Après, il y a certaines cibles qui sont plus… C’est comme toute recherche utilisateur, il y a des fois, c’est plus difficile.
Damien : C’est plus dur d’aller les rencontrer.
Anne-Sophie : Exactement.
Yohan : Au sein de l’Agence LunaWeb, on a parfois un peu de mal des fois à se sentir légitimes pour écrire sur le sujet de nos recherches, de nos mises en application.
Quels conseils pourrais-tu nous donner pour dépasser le fameux syndrome de l’imposteur ?
Anne-Sophie : Je me suis fixé une règle il y a plusieurs années. À partir du moment où j’ai deux fois une discussion sur un sujet, que ce soit une discussion à l’oral, une visio avec quelqu’un ou répondre à une question sur Matermost (application de discussion) ou par email, par exemple deux fois que l’on se pose la question « ça veut dire quoi c’est une police accessible », par exemple, je me dis « Là, ça me saoule, j’ai envie de savoir ».
Il y a plusieurs années, je me suis fixé une règle : à partir du moment où j’ai deux fois une discussion sur un sujet, je fait des recherches dessus pour en apprendre plus et pouvoir répondre aux futures questions.
Donc je vais prendre le temps de faire un peu plus de recherches et je vais écrire un article sur le truc. Mais avant, j’y connaissais rien. Je fais ma recherche justement pour que la prochaine fois qu’on aborde le sujet, je sois un peu moins hésitante ou je puisse avoir une réponse.
Yohan : Pendant que tu fais ces recherches, tu notes un peu tout ça pour écrire ton article ?
Anne-Sophie : C’est ça. Et mes idées de sujets vont émerger des discussions que je peux avoir sur Twitter, sur Slack, avec des collègues ou autres. Quand il y a un sujet qui émerge souvent, je me dis « Là, on est plusieurs à se poser ces questions ».
Avec l’écriture et mes articles, ce qui m’intéresse, c’est de faire des ponts entre plusieurs ressources. Ça génère un nouveau contenu « original » qui apporte de nouvelles réponses à des problématiques connues.
Au final, j’écris surtout pour moi, parce que quand j’essaye de comprendre quelque chose ou de l’expliquer à d’autres, ça me force à bien le comprendre. C’est quelque chose de vraiment personnel, mais le meilleur moyen que j’ai trouvé pour comprendre quelque chose, c’est d’essayer de le réexpliquer.
Parce que sinon, il y a des zones floues. Je me dis « Si quelqu’un me pose cette question-là, cette question piège, je veux savoir répondre ». Donc je vais un peu plus loin dans mes recherches et ça me pousse un peu à aller au delà de ça. Mais vraiment, à la base, je n’y connais rien.
Damien : On peut souvent se dire « Mais ces personnes-là – les pairs par exemple – si je leurs raconte ce sujet, elles vont me dire qu’elles le savent déjà ».
J’ai l’impression que quand tu écris, tu penses plutôt aux personnes qui ne vont justement pas savoir et qui seront contents d’apprendre quelque chose ?
Anne-Sophie : Oui, quand on veut apprendre un truc, on va merger plusieurs sources parce qu’on va retrouver une réponse à un endroit, une autre réponse à un autre endroit, etc. C’est ça qui m’intéresse, c’est de rallier les ponts entre plusieurs ressources. Et du coup, ça fait un nouveau contenu qui est « original » et qui apporte des nouvelles réponses à des solutions. Même si, effectivement, les trois ou quatre ressources que j’ai utilisées, c’est des gens experts, mais qui ont abordé sur un prisme bien particulier. Parce qu’ on a tous une manière de voir les choses.
Depuis le début de ma carrière, j’ai été très autodidacte. Donc j’ai lu beaucoup d’articles, de livres pour comprendre, apprendre des choses. Écrire aujourd’hui, c’est un peu ma manière de rendre la pareille.
Finalement, mes articles, je les vois aussi comme ça. Ça répond juste à certaines questions et je suis sûre qu’il y a d’autres personnes qui les utilisent pour aller encore plus loin sur d’autres réponses et les compléter. Il y a vraiment cette idée de collaboration.
Si je passe une journée à essayer de comprendre quelque chose, à agréger des ressources, je me dis que ça peut servir à d’autres. Donc je mets tous les liens et ce que j’en ai retiré dans mes articles.
Je crois que j’aime bien aussi écrire des articles parce que dans tout mon parcours, j’ai été autodidacte. Je le disais au début, je suis devenue UX designer limite du jour au lendemain. Du coup, j’ai bouffé des articles et des bouquins pour comprendre, apprendre des choses et c’est un peu ma manière de rendre la pareille. À partir du moment où je passe une journée à essayer de comprendre un truc et à agréger des ressources, ça peut servir à d’autres. Et donc je mets tous les liens et ce que j’en ai retiré.
Damien : C’est un peu ta marque de fabrique je trouve, en conférence ou dans tes articles, de faire preuve d’énormément d’humilité quand tu parle d’un sujet.
Finalement, avec un peu d’humilité, on peut tout dire ?
Anne-Sophie : Oui, parce qu’ au début, on ne sait rien et en apprenant, on sait des choses. Mais il y a plein de gens qui reste au stade de « on ne sait rien parce qu’on ne peut pas être sur tous les sujets ». Alors qu’en écrivant juste un article sur trois trucs qu’on a appris, on peut apprendre des choses à d’autres.
Il y a une série d’articles que j’adore – j’ai oublié le hashtag – mais c’est 100 Days of Accessibility ou un truc comme ça (Ndr : #100DaysOfCode). C’est des gens qui se disent « Je vais me lancer dans le sujet de l’accessibilité ». Et tous les jours, ils écrivent un article hyper court, des fois c’est trois lignes, sur un sujet qu’ils ont appris sur l’accessibilité.
Sur Twitter, avec #100DaysOfCode on trouve une série d’articles que j’adore. Ce sont des gens qui ont décidé d’écrire tous les jours un article très court, parfois trois lignes, sur un sujet qu’ils ont appris.
C’est surtout le côté dev que je l’ai vu, ça va être « Comment faire un lien qui s’ouvre dans un nouvel onglet accessible », des trucs hyper spécifiques.
Mais en fait, rien que toi, t’as pas fait les recherches et tu lis cet article et t’as appris un truc. Je trouve ça hyper intéressant. Tu te rends compte qu’au bout de 100 jours, les gens qui ont fait cet exercice, ils se sont vraiment formés, ils ont appris plein de choses et en plus, ils l’ont partagé parce qu’ils ont pris le temps de l’écrire. C’est une démarche que je trouve hyper cool.
Damien : Tout de suite, je fais le pont avec des référentiels comme le RGWA ou le RGESN pour l’éco-conception. Ça donnerait presque envie de prendre un critère et d’écrire dessus. Chaque critère pouvant-être un sujet à développer potentiellement !
Anne-Sophie : C’est ça, et du coup ça va intéresser tous les gens qui ne sont pas experts en accessibilité, qui ne connaissent pas tous les critères par cœur. Mais d’un coup, il y en a un qui va devenir plus clair et ça va peut-être pousser à creuser.
Damien : D’ailleurs, ces critères, c’est le fait de les aborder tout le temps qui fait que finalement, on finit par les connaître.
Avant de finir cet épisode, on va passer à la question traditionnelle, la question toujours un peu complexe pour tout le monde ! Je ne sais pas si j’aimerais qu’on me la pose moi-même. (rires)
Dernièrement dans ton univers, est-ce qu’il y a quelque chose qui, personnellement ou professionnellement, t’as bluffé ?
Anne-Sophie : Cette question est horrible, effectivement. (rires)
Du coup, j’ai pensé à un livre que j’ai lu en fin d’année. C’est un livre de la maison d’édition A Book Apart, de petits livres qui ne sont malheureusement plus traduits maintenant, au début ils étaient pas mal traduits en français. Il y avait il y a quelques temps une offre sur les frais de port, donc j’en ai commandé plein et j’en ai pris un qui s’appelle SEO for everyone, donc le SEO pour tout le monde.
J’ai lu SEO for Everyone, parce qu’à chaque fois que je veux essayer de comprendre comment marche de SEO, j’ai l’impression de me faire entuber, de vendre mon âme au diable.
Je l’ai pris parce que je n’y connais rien en SEO, qu’à chaque fois que je veux essayer de comprendre comment ça marche, j’ai l’impression de me faire entuber par des charlatans. Je trouve ça horrible, j’ai l’impression que c’est toujours du gros bullshit et que je vais vendre mon âme au diable.
Du coup, ce livre là avait l’air d’être un peu en dehors. Et en fait, il répond totalement à ce que je recherchais. Il m’a permis de comprendre que le SEO, c’est pour des gens à la base, même si tous les articles sur le SEO sont écrits pour Google. Mais en vrai, c’est pour les gens et un parcours utilisateur sur deux commence par une recherche Google.
J’ai compris que le SEO, en vrai, ça devait être pour les gens. Un parcours utilisateur sur deux commence par une recherche Google.
Et donc, dans ce bouquin, j’ai bien aimé qu’il y a plein de conseils concrets pour les UX, pour les researchers, mais aussi pour les dev – mais j’ai moins lu cette partie là, j’avoue.Il y a plein de trucs sur comment intégrer le SEO dans sa méthode de travail, comment la recherche Google fait partie du parcours utilisateur. J’aime bien faire les choses bien, éco-conçu, accessible et tout, mais si mon site, on ne peut pas le découvrir, c’est un peu ballot.
Avec ce livre, j’ai compris que l’on pouvait aborder le SEO d’une manière plus éthique. Ça m’a bluffée parce que je ne pensais pas que c’était possible.
Ça m’a un peu… Je ne vais pas dire réconcilié – il ne faut pas pousser non plus – avec le SEO (rires), mais j’ai compris que l’on pouvait l’aborder d’une manière plus éthique, on va dire. Et ça, ça m’a bluffée parce que je ne pensais pas que c’était possible.
Damien : On a parfois l’impression que SEO et accessibilité sont antinomiques oui ! Je pense notamment, en pied de page, aux listes de liens de landing page.
Anne-Sophie : C’est ça que je cherchais aussi, c’était des arguments. Le seul lien que j’ai avec le SEO, ce sont des gens qui essaient de m’entuber, genre « On ne peut pas faire ça. Je sais que c’est plus accessible, mais pour le SEO… ».
Et tout le livre martèle « Le SEO, ce n’est pas pour les moteurs de recherche, c’est pour les gens ! ». Ça prêche ma paroisse, donc il m’a plu.
Damien : Tu as des leviers de discussion avec ces personnes là en fait. C’est un peu comme tout dans la vie, si tu ne comprends pas les personnes avec qui tu as des différends, la discussion ne sert à peu à rien.
Anne-Sophie : C’est ça, il faut connaître ses ennemis. (rires)
Damien : Oui ! (rires)
Anne-Sophie : Et du coup, je me suis dis « Ah, ce ne sont pas tant que ça des ennemis en fait ». (Rires)
Damien : Oui c’est ça, souvent après, tu te dis « Ça va, en fait ». (Rires)
Et bien merci pour cette découverte.
Yohan : Oui super ! Merci beaucoup Anne-Sophie pour le temps que tu nous as consacré, on est vraiment très heureux de t’avoir eu avec nous aujourd’hui. C’était l’occasion d’étendre certains sujets que nous avons aimé découvrir en conférence, mais aussi sur ton blog.
On te souhaite une bonne journée, j’espère qu’on se reverra très vite.
Anne-Sophie : Merci à vous pour ce temps.
Damien : Merci Anne Sophie !
Il ne nous reste plus qu’à vous remercier d’être toujours plus nombreux à suivre notre podcast. Nous espérons que cet épisode avec Anne-Sophie Tranchet vous aura plu et que vous aurez apprécié de reparler d’accessibilité, un sujet que nous n’avions pas abordé depuis l’épisode avec Marie Guillaumet.
On se retrouve le mois prochain pour un épisode de Capsule Design, en attendant, n’hésitez pas à écouter ou réécouter les précédents épisodes et à vous abonner à la newsletter du podcast pour retrouver l’ensemble des ressources de nos épisodes, les tips et conseils de nos invités. Tout ça, ça se passe sur le site salutlesdesigners.lunaweb.fr !
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Sur ce, on vous souhaite une bonne journée et à bientôt pour de nouveaux épisodes de Salut les Designers.
Découvrez tous les mois un nouvel épisode de Salut les Designers consacré au design et à ses méthodes. UI, UX, motion, accessibilité, éco-conception, recherche, nous échangeons avec des professionnel·le·s passionné·e·s au grès de nos rencontres pour mieux comprendre leurs méthodes de conception centrée utilisateur.
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